Lunar eclipse as a proxy to reconstruct past volcanic forcing (LUNAE-Volc)
Résumé :
Les aérosols sont de fines particules solides ou liquides en suspension dans l’atmosphère, qui influencent de manière significative les principaux processus atmosphériques, tels que la formation des nuages, la qualité de l’air et le bilan radiatif de la Terre. Parmi eux, les aérosols volcaniques, lorsqu’ils sont injectés dans la stratosphère, peuvent persister plusieurs années et jouer un rôle crucial dans les variations climatiques globales.
L’objectif de ce projet est de développer une base de données exhaustive couvrant la période de 1850 à nos jours, en collectant des observations d’éclipses lunaires passées et futures. Le projet LUNAE-Volc vise à approfondir notre compréhension des impacts climatiques des aérosols volcaniques à travers l’analyse de données d’éclipses historiques et contemporaines. Ces phénomènes naturels offrent une opportunité unique d’évaluer la profondeur optique des aérosols volcaniques en observant les variations de couleur et de luminosité de la Lune éclipsée.
Ce projet invite les contributions des astronomes amateurs et professionnels, ainsi que des passionnés, qui peuvent partager leurs observations futures ou leurs archives. Les données collectées permettront d’affiner les modèles climatiques et d’améliorer notre compréhension de l’influence des forçages volcaniques sur le système climatique terrestre. Lors des éclipses lunaires totales, les participants sont encouragés à observer la Lune à l’œil nu et à évaluer sa luminosité et sa couleur en utilisant l’échelle de Danjon, qui va de 0 (éclipse très sombre, Lune presque invisible) à 4 (éclipse très lumineuse, couleur rouge cuivrée).
Il est crucial d’enregistrer des informations contextuelles pour chaque observation, telles que les conditions météorologiques locales (ex. : couverture nuageuse, humidité, ciel dégagé) et les impressions subjectives sur la teinte ou la luminosité de la Lune, ainsi que tout autre phénomène notable. Les observations et documents d’archives peuvent être soumis par email à l’adresse suivante : l.boissel[at]hotmail.com . Chaque contribution est précieuse pour ce projet, qui vise à mieux quantifier les impacts climatiques des activités volcaniques.
1 – Introduction projet LUNAE-Volc
Les aérosols sont des particules solides ou liquides en suspension dans l’atmosphère, dont la taille varie de quelques nanomètres à plusieurs dizaines de micromètres. Ces particules jouent un rôle crucial dans les processus atmosphériques, notamment la formation des nuages, la qualité de l’air et le bilan radiatif de la Terre.
Les aérosols volcaniques troposphériques sont émis lors d’éruptions de faible intensité. Ces particules restent confinées dans la troposphère, où elles sont rapidement éliminées par les précipitations et la gravité, limitant ainsi leur durée de vie à quelques jours ou semaines. Par conséquent, leurs effets climatiques sont généralement localisés ou régionaux et de courte durée. Cependant, des études récentes suggèrent que l’impact radiatif de ces petites éruptions pourrait être plus significatif qu’on ne le pensait auparavant. Bien que chaque événement soit de faible intensité, leur fréquence élevée pourrait, de manière cumulative, exercer une influence non négligeable sur la variabilité climatique.
En revanche, les aérosols volcaniques stratosphériques proviennent des grandes éruptions explosives capables d’injecter des particules dans la stratosphère. Une fois dans cette couche de l’atmosphère, les cendres volcaniques subissent des transformations chimiques, se convertissant en particules d’acide sulfurique (H₂SO₄). Par la suite, ces particules se condensent pour former les aérosols sulfatés. Ces aérosols peuvent persister dans la stratosphère pendant 1 à 3 ans, influençant le climat global en augmentant l’albédo terrestre (en réfléchissant le rayonnement direct), ce qui provoque un refroidissement de surface. Simultanément, ils absorbent le rayonnement infrarouge terrestre, entraînant un réchauffement localisé de la stratosphère. Ces forçages radiatifs opposés perturbent le système climatique global, faisant des grandes éruptions volcaniques stratosphériques un moteur clé de la variabilité climatique naturelle.
Bien que les impacts climatiques des éruptions volcaniques soient bien documentés, certains mécanismes restent mal compris. Plusieurs approches sont utilisées pour étudier les effets du volcanisme sur le climat. L’analyse des carottes de glace permet de reconstituer la chronologie et l’ampleur des éruptions passées et d’estimer la concentration des aérosols après chaque évènement, les modèles climatiques simulent les changements de température et de précipitations induits par les aérosols, et d’autres proxys, tels que les cernes des arbres, fournissent des informations sur les anomalies de température historiques.
Enfin, les observations d’éclipses lunaires représentent un indicateur/proxy innovant pour estimer la profondeur optique des aérosols stratosphériques (SAOD). Les éclipses totales sont particulièrement sensibles à la présence d’aérosols qui influencent leur luminosité et leur coloration. Ces observations offrent une source complémentaire de données permettant de mieux comprendre l’ampleur des forçages volcaniques et leurs effets sur le climat. L’analyse des éclipses lunaires, dans le cadre de l’étude des impacts volcaniques, doit nécessairement s’intégrer dans une démarche multi-proxy, combinant des approches complémentaires pour affiner les estimations des impacts des éruptions volcaniques à différentes échelles temporelles et approfondir notre compréhension des dynamiques climatiques passées.
Eruption du Pinatubo – 1991
Source : Karin Jackson, 1991 (U.S. Air Force)
Impacts du volcanisme sur le climat
Claudia Timmreck (https://doi.org/10.1002/wcc.192 )
2 – Intérêts du projet :
La construction d’une base de données exhaustive d’observations d’éclipses lunaires couvrant la période de 1850 à aujourd’hui revêt une valeur scientifique considérable. Cette approche permet d’obtenir des informations essentielles sur la turbidité atmosphérique, notamment en ce qui concerne la concentration d’aérosols volcaniques dans la haute atmosphère. La visibilité et la luminosité des éclipses lunaires totales sont directement influencées par ces aérosols. À la suite d’importantes éruptions volcaniques explosives, les éclipses lunaires apparaissent souvent plus sombres. Ce phénomène résulte d’une réduction de la réfraction du rayonnement solaire dans l’ombre de la Terre, causée par une augmentation de la concentration d’aérosols sulfatés stratosphériques.
Nos analyses d’observations d’éclipses lunaires des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles soutiennent cette relation. Elles concordent avec des études récentes sur les XIIᵉ et XIIIᵉ siècles, qui montrent que des éclipses lunaires exceptionnellement sombres coïncident avec des éruptions volcaniques majeures et des périodes de refroidissement climatique.
Cette nouvelle base de données viendrait compléter les données issues des carottes de glace, améliorant ainsi la calibration des modèles climatiques et renforçant notre capacité à simuler les forçages volcaniques et leurs impacts sur le climat global.
3 – Méthodes :
Analyse des éclipses lunaires totales pour étudier la SAOD
Les éclipses lunaires totales constituent un proxy fiable pour l’étude de la SAOD. Lors de la totalité, la Lune traverse l’ombre de la Terre, n’étant éclairée que par la lumière solaire réfractée à travers l’atmosphère terrestre. Cette lumière réfractée subit un filtrage sélectif : les longueurs d’onde courtes (jaune, vert, bleu) sont davantage diffusées que les longueurs d’onde plus longues (orange, rouge), ce qui confère à la Lune son apparence rouge caractéristique. Le degré de luminosité et de coloration de la Lune est directement corrélé à la concentration d’aérosols stratosphériques, les éclipses plus sombres étant associées à des charges élevées d’aérosols provenant d’éruptions volcaniques majeures.
L’échelle de Danjon : un outil pour évaluer la luminosité/couleur de la lune éclipsée
La luminosité de la Lune pendant la totalité peut être évaluée grâce à l’échelle de Danjon, un système standardisé classant la brillance des éclipses lunaires sur une échelle de 0 à 4 :
- L = 0 : éclipse très sombre ; la Lune est presque invisible, en particulier au milieu de la totalité.
- L = 1 : éclipse sombre ; coloration grisâtre ou brunâtre. Les détails de surface sont difficilement distinguables.
- L = 2 : éclipse rouge foncé ou couleur rouille. Ombre centrale très sombre, tandis que la zone extérieure de l’ombre est plus claire.
- L = 3 : éclipse rouge brique. Ombre centrale souvent bordée d’une zone jaune ou grise.
- L = 4 : éclipse de couleur cuivre ou orange très brillant. La zone extérieure est bleuâtre et très brillante.
Conversion des valeurs (L) en valeurs SAOD
Les valeurs de l’échelle de Danjon (L) peuvent être converties en estimations de SAOD grâce à une méthodologie établie :
- L = 4, 3 : SAOD ≈ 0.
- L = 2 : SAOD ≈ 0,01.
- L = 1 : SAOD ≈ 0,02–0,04.
- L = 0 : SAOD > 0,1, indiquant des conditions stratosphériques hautement turbides.
Cette conversion fournit une mesure quantitative de la charge d’aérosols stratosphériques, pouvant être intégrée dans des modèles climatiques pour évaluer les impacts volcaniques sur les forçages radiatifs.
Importance des données contextuelles
Les conditions météorologiques locales figurent parmi les facteurs critiques influençant la luminosité perçue de la Lune durant une éclipse. La présence de nuages, le taux d’humidité ou la clarté de l’atmosphère peuvent altérer les observations et introduire des biais dans les estimations de SAOD. Il est donc impératif de documenter systématiquement ces données contextuelles pour chaque observation afin de garantir l’exactitude et la fiabilité des relevés.
Echelle de DANJON
Credit: Bob King
4 – Appel à observations et à l’accès des archives amateurs
Les éclipses lunaires fascinent l’humanité depuis l’Antiquité. Autrefois, ces phénomènes étaient soigneusement observés et consignés, souvent interprétés comme des présages d’événements majeurs. Aujourd’hui, leur rareté et leur nature spectaculaire continuent de captiver les amateurs d’astronomie. Dans ce contexte, je lance un appel à la création d’un réseau dédié, réunissant astronomes amateurs, professionnels et toute personne intéressée par l’observation des éclipses lunaires.
L’objectif de ce réseau est double :
- Observer les éclipses lunaires à venir pour collecter de nouvelles données et poursuivre la chronologie.
- Rassembler des observations archivées du passé, qu’elles soient manuscrites, photographiques ou numériques.
Vos contributions permettront de constituer une base de données essentielle pour approfondir nos recherches sur l’impact des éruptions volcaniques sur le système climatique.
6 – Format et dépôt des données :
Soumettez vos observations en utilisant
• Fichiers Word (extension .doc / .docx) : pour les comptes rendus détaillés.
• Fichiers image (extension .jpg) : pour les photographies de l’éclipse.
Procédure d’envoi des données :
Envoyez vos fichiers par email à l’adresse suivante : l.boissel[at]hotmail.com
Format de l’objet de l’email :
Éclipse lunaire [Date] – [Latitude, Longitude]
Exemple : Éclipse lunaire 28/09/2015 – 48,86° N, 2,33° E.
5 – Protocole d’observation
Le protocole d’observation a été conçu pour être accessible à tous et ne nécessite aucun équipement spécial : une simple observation à l’œil nu suffit. Lors d’une éclipse lunaire totale, nous vous invitons à noter attentivement les variations de couleur et de luminosité de la Lune en utilisant l’échelle de Danjon (L = 0 à 4), décrite dans la section méthodologie. Cette échelle classe les éclipses en fonction de leur luminosité, allant des éclipses très sombres (L = 0) aux éclipses particulièrement lumineuses (L = 4).
En complément de cette évaluation, il est essentiel de consigner des informations contextuelles pour chaque observation :
- Conditions météorologiques locales : Ciel dégagé, présence de nuages, humidité ou tout autre phénomène pouvant affecter la visibilité de l’éclipse.
- Lieu et heure de l’observation : Précisez exactement où et quand vous avez observé l’éclipse, afin de mieux évaluer les conditions atmosphériques locales.
- Observations subjectives : Partagez vos impressions personnelles sur l’intensité, les nuances de couleur (rouge, cuivre, brun) ou tout autre détail notable.
- Événements inhabituels : Notez tout phénomène particulier, comme des changements soudains de luminosité ou des difficultés d’observation inhabituelles.
Ces informations enrichiront de manière significative la base de données, permettant une analyse plus précise des conditions spécifiques à chaque éclipse. Plus vos observations seront précises et détaillées, plus elles contribueront à affiner les modèles climatiques.
7 – Contact
Lucas Boissel – Université Paris Cité
Adresse email : l.boissel[at]hotmail.com
Commentaires récents